Marvin Gaye

Marvin Pentz Gay Jr, naît le 2 avril 1939 à Washington. Fils d’un pasteur violent qui le bat  régulièrement, Marvin Gaye trouve une échappatoire dans l’étude du piano et de la batterie. Il débute son expérience musicale dans la chorale d’une église puritaine où son père est prédicateur.

Pendant son adolescence, il intègre plusieurs groupes comme The Rainbows, The Moonglows ou encore The Marquees. Mais il obtient sa notoriété seulement après avoir signé avec le label Motown. La maison de disques est dirigée par Berry Gordon, son beau-frère.

Après les singles, « Can I get a witness », « Hitch hike » et « Pride and Joy » c’est en 1964 qu’il lance « That stubborn kinda fellow ». Ce sera son premier album à succès. Son style : une soul musique d’une grande puissance émotionnelle qui se veut un hymne à la beauté et à la sensualité, marque qui le suivra toute sa carrière.

Il s’oriente ensuite vers l’enregistrement de duos. Il collabore avec plusieurs artistes dont Tammie Tyrrell avec laquelle il enregistre le titre intemporel “Ain’t No Mountain High Enough”. La mort prématurée de Tammie Tyrrell en 1970 l’affecte énormément.

En 1968, il sort avec Norman Whitfield (producteur de The Temptations) un de ses plus grands succès : « I Heard It through the grapevine » qui sera repris par nombre d’artistes et de groupe avec une version légendaire créée par Creedence Clearwater Revival.

L’album « Whats Going On ? » sort en 1971 après deux années d’absence sur les scènes musicales et de lutte contre la dépression et l’alcool. C’est l’album qui l’aide à se débarrasser de l’image de sex symbol et d’artiste léger et frivole. Il s’attaque à des thèmes sensibles tels que la lutte pour les droits civiques, la guerre ou encore l’écologie, thèmes toujours d’actualité aujourd’hui.

« Whats Going On ? », album concept imaginé en une œuvre unique d’inspiration quasi divine est considéré par beaucoup comme le meilleur album du 20ème siècle.

Alors que l’Amérique se bat avec ses propres démons, intérieurs (la ségrégation) et extérieurs (le Vietnam), Marvin Gaye publie un chef d’œuvre de soul consciente. Avec sa prose engagée, What’s Going On qui parait le 21 mai 1971 sort le label Motown du gentil rêve américain pour le confronter aux réalités de son temps. Marvin Gaye, poète entertainer avant tout, fait groover son serment politique et social comme nul autre. Une magistrale symphonie, savamment dosée, où les cordes hypnotisent le rythme et les chœurs.

Si en 1968 Marvin Gaye est commercialement au sommet, physiquement et moralement il est au quatrième dessous. Rien ne va plus : Tammy Terrell, sa partenaire de scène, est atteinte d’une tumeur au cerveau, son mariage avec Anna, la sœur de Berry Gordy, part en lambeaux et son association artistique avec son label suit le même chemin. Plus largement Marvin n’est plus en phase avec l’image trop lisse et impersonnelle que lui a façonnée le boss de Motown. Il aspire à autre chose mais ne sait pas quoi exactement ni comment le formuler.

C’est un disque de Lester Young qui le met sur la piste. Dorénavant c’est décidé, il va cultiver la douceur à l’extrême. Reste à trouver la source d’inspiration. Celle-ci vient à la lecture des lettres déchirantes que lui envoie depuis le front vietnamien son jeune frère Frankie.

Entre temps, Renaldo « Obie » Benson des Four Tops a été témoin de brutalités policières et l’arrestation de jeunes manifestants anti-guerre à San Francisco. Ces évènements lui inspire What’s Going On qu’il commence à écrire. D’où les paroles « Picket lines and picket signs/Don’t punish me with brutality ».

La composition travaillée avec deux musiciens des Four Tops, Renaldo « Obie » Benson et Al Cleveland, est initialement destinée au groupe The Originals que Marvin Gaye doit produire. Finalement, à l’écoute de la maquette, ses collègues l’encouragent à l’enregistrer sous son nom.

De même que la Tamla Motown encadre tous les faits et gestes de ses poulains, elle n’accepte guère d’autres sujets de chansons que les peines de cœur et les célébrations de la vie. « Le son de la jeune Amérique », dit le slogan du label qui place ses actions à la fois dans les charts black et pop.

Quand un matin de juin 1970, le chanteur lui présente sa dernière composition, le boss manque de s’étouffer à l’écoute des paroles traitant de la guerre du Vietnam. Le texte de What’s Going On s’adresse aux parents de Marvin Gaye et à son frère Frankie qui, à son retour, lui a raconté l’horreur des combats et le traumatisme qui en résulte.

De manière plus globale, la chanson aborde l’évolution d’une société qui s’obstine à critiquer la jeunesse insoumise. What’s Going On n’est pas une question mais une affirmation, un engagement que l’artiste défend face au refus de Berry Gordy de le sortir en simple.

Un bras de fer s’engage alors rapidement entre le boss de la Motown qui reste sur sa position de ne pas sortir un tel titre et son protégé qui lui annonce qu’il n’y aura pas d’album si le projet n’aboutit pas.

Contraint de céder pour éviter que l’affaire ne dégénère, Gordy prédit cependant un désastre commercial. Il est bien forcé de reconnaître son erreur quand il voit le simple s’écouler comme des petits pains et devenir le disque le plus rapidement vendu de l’histoire de la firme.

What’s Going On termine sa course en tête des charts black et en deuxième position du classement pop. Dès lors, Marvin Gaye aura toute latitude pour développer les thèmes de son album au titre emblématique, devenu une œuvre musicale de première importance.

De janvier à mars, Marvin Gaye, entouré des Funk Brothers, va passer des journées entières au studio, dans un climat enfumé mais bon enfant. Au fur et à mesure, chaque personne présente commence à prendre conscience qu’une page importante de l’histoire de la musique noire est en train de s’écrire.

Non seulement les chansons composées et produites par Marvin Gaye sont véritablement originales mais la manière dont celles-ci vont être interprétées par les Funk Brothers va donner à cet album un côté plus cru, plus proche des gens, plus vrai.

Habituellement très (trop) encadrés par les différents producteurs pour lesquels ces excellents musiciens travaillaient, ils ont enfin l’opportunité de se laisser aller et de véritablement jouer avec leur émotions et leur créativité propre. Le jeu du bassiste des Funk Brothers, James Jamerson, pour ne citer que lui, n’aura jamais été aussi fluide, empreint d’une véritable force qui va donner aux différents morceaux de cet album un son totalement différent, un son beaucoup plus « funky ».

De « What’s Going On » à « Inner City Blues (Make Me Wanna Holler) », en passant par « Save The Children » ou « Mercy Mercy Me (The Ecology) », l’album est un véritable pamphlet contre la guerre au Vietnam, la violence, le malheur, la pauvreté et par extension l’avenir des enfants.

L’ambiance des sessions est plutôt récréative. Marvin Gaye enchaîne les spliffs et s’adonne à une préparation particulière avant de s’emparer du micro : le prince de la Motown se masturbe avant chaque prise afin d’exclure toute sensualité d’un album aux thèmes politiques, spirituels et écologiques.

Par un acte d’amour universel, Marvin Gaye se décide à parler au monde entier et de dénoncer le climat délétère qui caractérise désormais la société. Le son très « black » de l’album, les voix entremêlées de Marvin Gaye et de cette basse qui ronronne, sont les éléments symbiotiques qui donnent à l’album cette urgence et cette beauté « triste ».

Le 19 mars, le groupe finalise Mercy Mercy Me (The Ecology), Right On, Wholy Holy et Inner City Blues (Make Me Wanna Holler) – un morceau coécrit par James Nyx, le garçon d’ascenseur de la Motown !

L’album sort le 21 mai de la même année même si le mixage final n’a pas été conservé, jugé trop « black » par Berry Gordy. Le sex-symbol s’est mué en prédicateur et l’espace d’un temps, What’s Going On jouera bien un certain rôle cathartique pour lui.

Par le biais de cet album, d’autres artistes vont s’engouffrer dans cette brèche tel que Stevie Wonder qui désormais sera producteur de ses propres disques. L’ère de la contestation est lancée et Sly Stone avec There’s a Riot Goin’ On ou Curtis Mayfield et son album Curtis en seront les fers de lance.

Au-delà de son message universel (en se privant d’un point d’interrogation, le titre de l’album-concept s’impose comme un manifeste), Marvin Gaye bouscule les habitudes de la Motown en imprimant dans le livret les textes des chansons ainsi que les noms des musiciens et arrangeurs. Face à ce triomphe artistique et commercial, Berry Gordy demeure perplexe : il ne comprend pas le sens du mot « écologie ».

Parmi les albums suivants : « Here my dear », inspiré par le verdict de son divorce et « In our lifetime » paru en 1981 qui provoque la rupture avec la Motown.

De nouveau affecté par l’abus d’alcool et la dépendance aux drogues, Marvin Gaye refuse de remonter sur  scène. Il part en Belgique et signe en 1982  l’album « Midnight love » dont le titre « Sexual healing » reste plus de deux ans en tête des Charts de Billboard. Le tube lui apporte deux Grammy Awards qui le poussent à repartir en tournée.

Rentré aux Etats-Unis, il essaye de résoudre ses troubles émotionnels au sein de sa famille mais le dimanche 1er avril 1984, son père, qu’il avait recueilli chez lui une énième fois malgré ses troubles violents et psychologiques, se sentant menacé lors d’une altercation familiale, lui tire dessus, à bout portant, à deux reprises. Marvin Gaye n’avait pas 45 ans.

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