On la résume souvent à deux clichés : “seul homme du gouvernement” de Ben Gourion et “grand-mère d’Israël”. Mais avant d’être une femme politique haïe par beaucoup, Golda Meir fut aussi une jeune militante qui rêvait de créer une société plus juste.
Grand-mère, députée, ambassadrice et chef d’État, Golda Meir fut aussi une amante troublante… On peut ne pas être en accord avec toutes ses déclarations, mais il est difficile de ne pas être touché par la vie de Golda Meir.
Cela fait presque 50 ans que Golda Meir a démissionné de son poste de Première ministre d’Israël, mais ses mots hantent encore les souvenirs de la diplomatie internationale. Au point que Volodymyr Zelensky la cite en 2022.
L’image de la femme qui reste aujourd’hui dans les mémoires, c’est celle de la fin de sa vie et de sa carrière qui se confondent. Celle d’une grand-mère austère, coiffée d’un chignon, accrochée à ses cigarettes sans filtre. Celle d’une dirigeante sans concession dont le visage de mamie a disparu des billets en Israël.
Pourtant, Golda Meir a douté plus d’une fois, et peut-être aussi (surtout ?) à la veille de la guerre de Kippour, crise qui l’a obligée à quitter le pouvoir, et qui a questionné en profondeur le rôle de la force et de la domination en Israël. Golda lâchera quelques larmes en public après cet épisode si douloureux de l’histoire de son pays qui a vu tant de jeunes hommes disparaître, et elle mourra quelques années plus tard en 1978 à l’âge honorable de 80 ans.
Pour mieux comprendre son engagement, à la fois humaniste (notamment en tant que ministre du Travail) et plus trouble sur de nombreuses questions qui résonnent encore aujourd’hui (sionisme, occupation, identité palestinienne, idéaux nationaux…), il faut se pencher sur sa vie, qui débute par une enfance dans une Russie déchirée par les pogroms.
C’est à Kiev – alors sous domination russe – que Golda Mabovictch voit le jour en 1898. Son père lui interdit de faire des études, sous prétexte que “les femmes intelligentes ne sont pas aimées.” Face aux hommes et aux destins du XXe siècle, celle qui est souvent vue comme une femme de devoir va désobéir et même se travestir pour atteindre ses objectifs. Elle immigre aux États-Unis avec un faux passeport pour rejoindre son père à Milwaukee, avec sa mère et sa sœur. Elle y découvre les délices de la vie à l’américaine, la liberté et le début de l’engagement sioniste. La jeune Golda va pourtant fuir très vite sa famille en secret pour étudier dans le Colorado.
En 1917, elle épouse Maurice Meyerson, un jeune musicien qui lui donnera son nom américain, avant que Ben Gourion ne l’oblige à devenir Golda Meir pour que les sonorités de son patronyme s’accordent mieux avec les idéaux qu’elle a choisi d’incarner en venant s’installer en Palestine en 1921.
Très vite étouffé par les impératifs politiques du kibboutz qui empiètent sur la sphère intime (l’éducation collective des enfants, la déco des appartements, les concessions d’un quotidien dur à l’opposé de la vie américaine,), Maurice Meyerson convainc Golda d’élever leurs enfants loin des rêves agricoles collectifs, dans un Jérusalem en construction.
Quitter le kibboutz n’empêche pas Golda de gravir les échelons politiques du parti travailliste, puis de faire partie des signataires de la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël en 1948.
À la fois de culture russe et américaine en pleine guerre froide, elle pourra être ambassadrice à Moscou sans argent, récolter des millions et des armes aux États-Unis, tout en nouant des relations et des collaborations inédites en Afrique.
Golda Meir cultive aussi d’autres paradoxes plus romanesques (des histoires d’amour cachées, des escapades hors d’Israël travestie en femme arabe pour aller voir le roi de Jordanie…) et surtout une répartie hors du commun, capable de renverser les situations les plus inextricables, à la manière d’un Churchill avec lequel Golda pouvait supporter la comparaison.